16 Juillet 2017

Publié par D'Arcangelo Tonino

QUAND L'EGLISE DEVIENT UN SYSTEME ABUSIF (article 7, fin de la série, "une loyauté déviée et en secret " ...

"une loyauté déviée et en secret "

Nous abordons donc, ici, notre dernier article de cette série, il en va de dire que les points exposés ne sont pas exhaustifs et qu’il y aurait beaucoup d’autres choses à dire. J’y reviendrai certainement plus tard, mais d’autres sujets importants ont besoin que j’y consacre du temps. Celui-ci ayant été abordé sous l’impulsion d’une accumulation de situations rencontrées ces dernières années, dont quelques-unes encore le weekend dernier. Elaboré en 7 jours, ce fut un vrai marathon spirituel et intellectuel pour écrire cette série… Cependant, cela fut possible à ce rythme pour moi, car ce sujet m’interpelle depuis de nombreuses années. La question de l’abus est un thème que j’ai également abordé à plusieurs reprises dans mon parcours et mes formations professionnelles et enfin, je ne peux faire sans dire qu’il existe de très bons ouvrages sur le sujet, réalisé par des pasteurs et des spécialistes en la matière et de surcroit chrétiens.

Une loyauté déviée

Il ne s’agit pas d’une loyauté envers Christ qui, en vérité, est recherchée, mais envers ses dirigeants, envers leur organisation ou encore envers leur identité doctrinale. Comment repérer cela ? Eh bien, lorsque un désaccord avec un dirigeant est placé sur un pied d’égalité avec la désobéissance envers Dieu. Le système se met en place de façon à vous faire ressentir et croire que remettre les dirigeants en question serait remettre Dieu et sa Parole en question. Puisqu’ils exercent l’autorité et que l’autorité a toujours raison ! Puisqu’ils exercent une autorité et qu’il est écrit que nous devons nous soumettre aux autorités, bien souvent et inconsciemment, cela amène les gens à déplacer leur loyauté envers les dirigeants, envers les doctrines que ceux-ci enseignent, envers leurs décisions, envers… plutôt qu’en vers la personne même de Christ, Parole divine incarnée.

David Johnson et Jeff Von Vonderen relèvent trois facteurs qui entre en jeu et qui contribuent à cette déviance.

Premièrement, la mentalité et le discours ambiant disent : « Nous sommes les seuls à avoir raison ». Ce qui veut dire comme message : rester à l’intérieur de notre cadre de pensées, car vous êtes ainsi certain d’être en sécurité et en bon terme avec Dieu.

Ce système vous enferme et vous imperméabilise à toutes possibilités de pensées autres que celles que l’on vous enseigne. Un peu comme si Dieu n’était révélé et compris que dans tel ou tel type de dénomination, ou dans tel ou tel réseau de prédicateurs, etc. Restez donc chez nous ou allez là où on vous le dira afin d’être en sécurité et en accord avec Dieu. Wow ! Quelle puissance et quelle force de séquestration spirituelle que peut avoir ce genre de discours sur les personnes psychiquement et spirituellement fragilisées. Sous le discours d’un père protecteur, se cache l’intention d’un père critique, accaparant, manipulateur et hyper narcissique. Une sorte de sentiment de supériorité domine les responsables de ces systèmes. Bien évidemment, ils ne vous le diront pas ouvertement, il faut le démasquer par des discours et des agissements subtils, dans les à-côtés, dans les coulisses de l’église, c’est-à-dire en dehors de toute exposition publique comme les temps de prédications de réunions de prières, d’évangélisation, etc.

Voici comment le pasteur Jeff Von Vonderen se propose de répondre à une personne qui viendrait lui exprimer son désaccord avec son enseignement et qui ne supporterait plus de rester dans son église :

« Je lui demanderais premièrement de m’indiquer quels sont les points de désaccords afin de clarifier de quoi il s’agit véritablement. Si réellement nous étions en désaccord, je lui dirais simplement : Vous devez trouver un lieu où il sera possible d’ouvrir votre cœur afin de recevoir ce qu’il a pour vous. Si cette église ne peut répondre à ce besoin, vous devriez être à l’aise de trouver un autre lieu où vous vous sentirez mieux. Si cela ne fonctionne pas et que vous préférez revenir, alors revenez. Mais vous devez aller, où Dieu vous dit (vous convaincs) d’aller. C’est à vous et au Saint-Esprit de prendre ensemble cette décision. Je ne voudrais pas décrire comme déloyales ou « non spirituelles » les personnes qui font le choix de quitter notre église ».

Cet exemple permet de faire la jonction avec un deuxième facteur qui conduit à la loyauté déviée, c’est la manipulation par la peur. Pour illustrer la différence avec la réaction du pasteur Jeff, voilà comment pourrait répondre un responsable ou transmettre d’une manière subtile un message disant : «Si vous nous quitter, Dieu va vous retirer son Esprit, à vous et à votre famille. Vous allez perdre votre salut et conduit dans l’erreur car Satan vous influencera comme il influence ces autres chrétiens qui ne pensent pas comme nous… ». Pire encore, tout ce qui risquerait de vous arriver de négatif par la suite serait utilisé pour démontrer, à vous comme aux autres membres de l’assemblée, que la malédiction est manifeste et que cela démontre que, depuis, vous êtes privé de bénédictions. Quelle tristesse et quelle pauvreté spirituelle concernant la considération de Dieu dans son amour, sa grâce et sa justice.

La manipulation par la peur, comme nous l’avons vu dans la paranoïa, peut également pousser les individus à vouloir se séparer non seulement du monde, mais aussi des autres chrétiens, les considérant comme des infidèles conduits par les ruses du diable.

Enfin, nous avons aussi un troisième facteur, celui de l’humiliation. C’est une méthode qui consiste à ce que votre loyauté sois déviée non à la soumission de Christ, mais à la peur d’être humilié en public en exposant vos faiblesses. Vous n’osez pas ou plus poser de question, vous cachez toutes vos conneries et vous cherchez à protéger et défendre à tout prix les responsables afin qu’ils ne vous tombent pas dessus devant les autres. Comment cela se passe-t-il, me direz-vous ? En vous reprenant dans les couloirs devant les autres, en vous prenant pour exemple dans une prédication, en prêchant sur votre situation sans énoncer votre nom mais comme tout le monde sait ce qu’il s’est passé…

Ce genre de fonctionnement produit bien souvent trois types de réactions. Dans le premier cas, les gens visés se taisent, souffrent en silence et minimise la réalité de ce qui se passe pour survivre psychiquement. Dans le deuxième, ils se retrouvent isolés et vivent dans la sécheresse spirituelle jusqu’à ce qu’ils meurent petit à petit. Dans le troisième cas, ils se lèvent finalement et disent : « bien, je vous quitte, car ceci est de l’abus et je suis en désaccord ».

Dans le troisième cas, il faut rester vigilant, car il se peut qu’après votre désaccord et l’expression de votre raison, vous soyez interpellé avec une proposition de réconciliation. Là encore, il faut user de discernement, quelle est l’intention de cette réconciliation : est-elle le fruit d’une réelle reconnaissance et repentance de ce qui se passe, où est-ce la peur des responsables de voir cette vérité colportée ?

Si la réconciliation est sincère, c’est qu’il y a eu une véritable prise de conscience, et s’il y a une véritable prise de conscience, des dispositions concrètes et réelles seront mises en place rapidement pour soigner cette pathologie institutionnelle. Sinon, méfiez-vous car l’appel à la réconciliation n’est qu’un leurre destiné, par une manipulation, à vous récupérer pour garder en secret ce qui s’y passe.

Ceci étant dit pour ce qui concerne le troisième et dernier facteur énoncé pour la loyauté déviée, cela nous ouvre la porte pour notre dernier point concernant les particularités de ce qui nous empêche de sortir de ces milieux religieux abusifs : « En secret ».

En secret

« C’est vous qui êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée. On n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais on la met sur le porte-lampe, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. Que votre lumière brille ainsi devant les gens, afin qu’ils voient vos belles œuvres et glorifient votre Père qui est dans les cieux. » (Matthieu 5.14-16)

Dans son agir éthique, Christ dénonce et pointe l’obscurantisme par ce qui est fait en secret, se cachant de toute transparence et clarté. Il n’est jamais nécessaire de cacher ce qui est correct, mais en réalité, c’est ce qui est incorrect qui est caché.

L’une des raisons pour lesquelles les familles et les églises spirituellement abusives cherchent à se cacher, c’est qu’elles attachent une extrême importance à leur image et à leurs intérêts personnels.

Certains autres pensent qu’en cachant certaines choses, ils participent à protéger la réputation de Dieu au travers de mauvais témoignages. Là encore c’est une absurdité. Car ce qui est caché se perçoit et fini toujours par apparaitre d’une façon ou d’une autre. De plus, qu’est-ce qu’un bon témoignage ? Est-ce le fait de paraitre comme irréprochable et sans défaut ou être capable de reconnaitre et d’exposer nos erreurs tout en exposant ce que nous faisons pour y remédier, démontrant par-là comment Dieu s’y prend avec ses enfants ? Ne pas comprendre et travailler dans ce sens est une façon de participer à l’idée d’un Dieu qui bénit par les œuvres et non par grâce. C’est un leurre, pourquoi ? Parce que le discours officiel et ce que le système laisse apparaître est aux antipodes de la réalité vécue.

Ainsi, l’apparence extérieure, l’opinion et l’avis des autres sont bien plus importants que ce qui se vit réellement dans la vie spirituelle des gens dans l’assemblée. Si aujourd’hui nos églises ont une fierté de déclarer ne plus réaliser les œuvres de la loi pour être sauvé, ils n’ont pas conscience que leur fonctionnement prône les œuvres pour une approbation et une apparence publique, ce qui nous éloigne du salut par la foi en la grâce de Dieu.

Une autre façon secrète est la conspiration des leaders en se déclarant, entre eux, que les membres ne sont pas suffisamment forts pour que l’on puisse discuter des problèmes ouvertement avec eux. Et on règle, enfin on pense régler, les problèmes en apartheid, par téléphone, dans un coin secret, de manière informelle. Ce qui finit par un fiasco, car n’ayant pas la véritable autorité ou compétence pour régler, rien ne se règle, tout s’empire par l’élaboration de petites réunions secrètes. Rien n’est mis en place pour essayer de résoudre à la lumière un souci et ainsi développer la maturité de l’église à résoudre un problème.

Nous devons prier pour que nos responsables puissent recevoir la véritable autorité qui se met au service du corps de Christ et non au service des apparences publiques. Ceci dit, ne nous opposons surtout pas à ce qui est esthétiquement beau et convenable, mais que cela ne soit pas au détriment d’une véritable cure d’âme, première fonction de l’église. Ne pas confondre cure d’âme avec séduction d’âme.

Terminons ce dernier point avec nos pasteurs Jeff et David : « Lorsque ces caractéristiques sont présentes dans une église ou dans une famille chrétienne, il en résulte de l’abus spirituel. Ce sera un milieu clos, muni de limites rigides pour que personne ne puisse s’échapper. On propagera qu’il y a beaucoup de choses mauvaises à l’extérieur, afin de garder des gens « sous protection » à l’intérieur et on utilisera les positions d’autorité pour les amener à performer. Il y aura aussi beaucoup de gens épuisés et blessés qui auront l’impression de ne pas être spirituels ou d’être fous. Ils éprouveront aussi beaucoup de difficultés de parler à Dieu avec leur cœur (se sentant indignes). En plus de cela, ceux qui vivent dans ces cadres peuvent se retrouver totalement démunis et mal préparés pour faire face à la vie (réelle). Lorsqu’ils quitteront cet environnement, peu importe la raison, ils seront comme des feuilles mortes soufflées par le vent ou encore, ils seront attirés vers d’autres milieux abusifs.

Comment cela est-il possible ? Comment quelqu’un qui aime Dieu peut-il fuir loin de lui ? Et comment, après avoir été victimes d’abus spirituels peut-on plonger, à nouveau, dans un milieu abusif ? »

Nous croyons que l’une des raisons, que l’une des réponses qui à tout son poids pour les chrétiens victimes de ces abus, est le fait que ces milieux font une mauvaise utilisation des Ecriture. C’est un problème très sérieux, qui nécessitent un examen minutieux.

Je conclurai cette série d’articles comme suite,

Qu’est ce qui nous motive à prendre soin des autres et de nos assemblées, est-ce réellement dans l’intérêt des autres où est-ce dans l’intérêt de combler nos besoins personnels ? L’honnêteté intellectuelle me pousse à dire, certainement les deux. L’équilibre s’impose car il arrive que nous soyons motivés inconsciemment pour de mauvaises raisons. Ne pensez pas que cela n’arrive qu’aux autres, nous sommes tous, en nous, à la frontière de deux réalités aux apparences similaires. D’un côté, un amour de soi exprimé au travers de ce que nous proclamons et pensons faire pour l’autre et un véritable amour pour le respect et le bien de l’autre que nous exprimons au travers de soi. La frontière est fine mais tellement importante pour distinguer la différence et choisir la bonne attitude.

Au nom du bien pour l’autre, combien le mal à fait naitre le jour à des actions trompeuses et abusives. Combien de fois à force de vouloir faire le bien, nous avons étouffé les autres, nous avons créé une forme de dépendance des autres envers nous, nous avons disposé des autres à satisfaire notre soif de reconnaissance etc. Que Dieu nous pardonne, nous, son église, et qu’il nous accorde la grâce de discerner le bien du mal et que nous n’appelions pas le bien mal et le mal bien. Que nous ne fassions pas de nos vérités circonstanciées la Vérité absolue (pensée qui sera quelque peu développée dans mon prochain livre qui vient).

N’abusez pas de ces articles, ne les utilisaient pas à des fins de dénonciation de personnes ciblées, mais qu’ils soient utilisés à bon escient et mesurés avec sagesse. Ils ne sont pas là pour détruire des individus que vous pourriez considérer comme développant un fonctionnement et nourrissant un système religieux abusif, mais plus pour aider les systèmes dans lesquels nous sommes, à réfléchir sur la question et la considérer sérieusement. Ces articles peuvent servir d’appui pour ouvrir la réflexion et entamer un chemin de restauration. Et quand cela n’est pas possible, ces articles sont là pour que vous puissiez trouver la force de sortir de ces systèmes et de ne plus en être la proie.

Ce qui m’attriste particulièrement, c’est le fait d’avoir connu en tant que responsable de jeunesse ou comme « ancien d’église » (mot issu de la bible et utilisé dans certaines dénominations religieuses pour parler d’assistant pastoral) des jeunes remplis de fraicheur et d’amour pour Dieu et les voir, aujourd’hui, devenus adultes, bien avancés dans la vie, mais portant sur eux un poids, une tristesse, de grosses blessures profondes causées par ces systèmes abusifs et malades.

Que s’est-il passé ? Comment en sont-ils arrivés là ? Qu’est-ce qui a changé ? Qu’est ce qui manque pour retrouver une certaine ambiance saine ? Voilà quelques questions ouvertes auxquelles il serait bon que toutes personnes concernées (responsables et membres) aujourd’hui par ces changement négatifs au sein de leur assemblée et de leur vie puissent tenter d’y trouver réponse et trouver solution à ces pathologies spirituelles en priant ensemble, en méditant la Parole et l’agir éthique du Christ et demandant assistance de l’Esprit-Saint pour accomplir les bonnes démarches les uns envers et avec les autres. Il est parfois bon de demander de l’aide à une autorité spirituelle compétente en dehors de l’assemblée pour mener à bien cette démarche, pouvant parfois paraitre longue et douloureuse dans un premier temps, mais source de salut et de bonheur au final, si cela aboutit à une véritable victoire contre les ruses du diable.

Soyez bénis, portez-vous bien, prenez soin de vous pour mieux prendre soin des autres !

@ Bientôt pour d’autres articles et autres sujets !

Tonino D.

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