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Publié par D'Arcangelo Tonino

QUAND L'EGLISE DEVIENT UN SYSTEME ABUSIF (article 4 : La puissance du silence...)

Les règles sous-entendues : La puissance du silence

Nous poursuivons aujourd’hui avec le point suivant : « Les règles sous-entendues ».

Ici, nous abordons un point dont le discernement demande un peu plus de subtilité pour percevoir ce qui se trame dans des milieux spirituels abusifs. Ce sont ce que l’on peut appeler les messages paradoxaux et sous-entendus.

Rappelez-vous, lors du premier article, nous disions que ce sont parfois des personnes qui ont subit eux-mêmes dans leur vie, ce type de fonctionnement abusif qui le reproduisent, bien souvent inconsciemment.

Quelque part, nous sommes donc tous concernés par ce sujet en dehors même de nos églises. Chaque famille est une institution à part entière, dans laquelle peuvent venir se greffer par héritage éducationnel et culturel des mécanismes relationnels abusifs ou du moins risquant de le devenir. L’abus d’autorité, l’abus de pouvoir et de contrôle est une frontière pas toujours évidente à discerner. On ne naît pas parent, on le devient.  Bien souvent, nous retrouvons cela principalement dans l’éducation familiale que l’on a reçu, mais aussi religieuse, sociale (à l’école par exemple…), etc.

Les règles sous-entendues se transmettent par des messages qui ne sont pas dit, car ils ne peuvent être dit tels quels, puisqu’ils ne seraient pas acceptés et seraient considérés comme religieusement incorrects. Cependant, comme ce sont des messages qui ne peuvent être dit clairement et dont les responsables veulent, malgré tout, faire passer, ils utilisent des stratagèmes dans leurs discours et leurs attitudes, communiquant par là, leur véritable message destiné à contrôler l’avis et donc la vie de l’autre.

Je vous donne un exemple :

Personne, dans une réunion d’église n’oserait affirmer ouvertement et déclarer en présence de tous : « Vous savez, vous ne devez jamais être en désaccord avec le pasteur et ses responsables et encore moins avec ses sermons, car si c’était le cas, cela voudrait dire que l’on ne peut pas vous faire confiance et de ce fait il serait impossible d’accepter que vous exerciez un ministère dans l’église ».

Puisqu’il n’est pas permis d’être en désaccord, puisqu’il n’est pas permis d’avoir une idée différente de celui du pasteur, puisqu’elle ne peut pas être exprimée car elle sera reçue avec mépris, voire parfois avec agressivité, cette interdiction non déclarée et pesante dans le système porte une règle sous-entendue. Dans ce cas, elle pourrait être celle-ci : « Ne soyez pas en désaccord avec les autorités de l’église et principalement avec le pasteur sinon votre loyauté (envers l’église et envers Dieu) sera remise en question.

Ces règles doivent, dans une organisation abusive, rester sous-entendues, car à la lumière d’un dialogue intelligent, leur nature illogique, pernicieuse et contraire à l’éthique du Christ apparaitrait très vite. Ainsi le silence de la règle, gardée par des discours et des attitudes aux apparences de piété deviennent cette forteresse psychique qui protège et couvre les responsables dans leur position d'abuseur spirituel et de manipulateur, ainsi que leur pouvoir, sans qu’il y ait une seule occasion, un risque de contestation.

Dieu ayant créé le monde par la parole, j’ai la conviction que tout système qui prive l’autre, en lui monopolisant la parole, principalement par des discours d’autorité-pouvoir, prive Dieu de poursuivre son œuvre de création au sein même de son église, de son peuple.

Cependant, je ne dis pas que toutes contestations par un membre soient justes et devant faire l’objet d’une attention spécifique, ne devenons pas paranoïaque, car il faut aussi dire et reconnaitre qu’ il y a aussi dans nos assemblées des spécialistes qui ont un problème personnel avec toutes formes d’autorités, quelles qu’elles soient, et ceux-ci ne sont pas les mieux placés pour sonder  et discerner ce qu’il en est réellement. S’il y a des systèmes abusifs, il y a aussi des systèmes sains qui accueillent des personnes psychiquement et spirituellement malades.

Si j’avais un ressenti me contraignant à garder ce type de  silence face à mon pasteur, face aux autorités de l’église locale, ma question serait celle-ci: " en m’exprimant et prenant la parole sur tel ou tel sujet délicat, suis-je un obstacle au bon fonctionnement relationnel dont les responsables essaient réellement d’assainir ou suis-je un obstacle à l’empire-projet du leader ou du pasteur ?".

Quand un projet prend toute la place et néglige les relations humaines  saines avec nos  sujets à accompagner, chers pasteur, chers responsables nous sommes sur la pente raide qui nous  conduit à la religiosité et nous éloigne de la spiritualité. Pire encore, cela nous conduit à jouer le rôle du voleur, du brigand qui vient égorger détruire, plutôt que de paitre les brebis.

Exprimez votre désaccord ouvertement, ou en public, et si une sorte de sanction, de répression ou une mise de côté vous arrive, cela suffit pour identifier qu’il y a bel et bien une règle sous-entendue. Si le silence est parfois d’or, il peut aussi être un poison mortel qui tue à petit feu. Le silence est d’or quand il s’agit d’éviter la violence et les échanges qui ne mènent à rien d’intéressant, par contre il est un poison si celui-ci cache la souffrance au profit de l’autoritarisme religieux.

Ephésiens 4.25 nous dit : « c’est pourquoi renoncez au mensonge, et que chacun de vous parle selon la vérité à son prochain ; car nous sommes membres les uns des autres ».

Puisque tous, dans nos assemblées protestantes-évangéliques nous proclamons avec fierté : "la bible est l’autorité finale", cette règle biblique d’Ephésiens 4.25, peut-elle avoir autorité sur le pasteur, sur le responsable, sur nous même lorsque nous  participons au développement spirituel d’une église ? Si ce n’est pas le cas, il y a de fortes chances que nous consolidons un système religieux abusif ?

Même si dans nos familles et nos églises, nous insistons à dire que nous nous appuyons sur l’autorité des Ecritures, les règles sous-entendues ont bien souvent plus de puissance et d’emprise sur nos vies que les écritures-mêmes. La lettre reste morte si notre esprit n’adhère pas consciemment à ce que dit réellement l’Esprit au travers de cette lettre.

La règle du silence

La règle du silence est la plus puissante de toutes les règles sous-entendues. Les prophètes, dont notamment Jérémie, en ont fait les frais en la brisant.

Voici ce qu’en disent textuellement David Johnson et Jeff Von Vonderen dans leurs travaux sur la question : « La plus puissante de toutes les règles sous-entendues, c’est celle du silence. Elle contient à la base cette pensée : « On ne peut pas exposer le vrai problème car il faudrait ensuite le régler et pour cela, apporter certains changements ; alors il vaut mieux le protéger derrière le mur du silence (la négligence) ou encore au moyen d’assauts (les attaques légalistes). Si vous décidez de parler ouvertement du problème, c’est vous qui devenez le problème. On devra alors vous garder sous silence ou vous éliminer. »

Ceux qui osent parler ouvertement seront vite repris en leur disant comme message : « Nous n’avions pas tous ces problèmes jusqu’à ce que vous ouvriez votre bouche. Tout allait bien jusqu’à ce que vous commenciez à agiter la langue. » Ou encore, pour avoir une apparence plus spirituelle : « Vous étiez en colère et vous n’avez pas abordé la situation dans une attitude d’amour. Cela prouve que vous n’avez pas pu traiter la question d’une façon adulte et chrétienne ».

La vérité, c’est que lorsque les gens parlent ouvertement des problèmes, ils ne les causent pas, ils ne jouent pas le jeu des messes-basses (« oui il y a aussi des messes chez nous les protestants-évangéliques, elles sont parfois très basses, je vous l’accorde, mais il y en a»), mais ces personnes les exposent. On pourrait en faire un tremplin pour se laisser travailler à nos relations saines, mais non, nous préférons étouffer l'affaire.

Oh, il y a des insoumis, des caractères forts, des personnes déloyales, impulsives, etc.  C’est vrai ! Ils n’empêchent que derrière ces réactions vives peut se cacher une réelle souffrance et une vérité que l’on ne veut pas entendre, que l’on veut cacher, garder sous silence.

Dans les systèmes religieux abusifs, « La  loi du silence » cherchera toujours à blâmer la personne qui parle ouvertement et la punition ou la réaction qui lui sera infligée aura pour effet d’inciter les autres à demeurer silencieux.

L’autre jour j’entendais le témoignage d’un jeune qui s’est vu mettre dehors sur le champ par un responsable de son église, juste parce qu’il osait être en désaccord avec lui. Il s’entendra dire : « va-t’en, je ne veux plus te voir mettre les pieds ici ! ». Je sais ce que vous pouvez vous dire, oui mais il faut voir le contexte. Sans aller trop loin, ce n’était pas une question de vie ou de mort, ce n’était pas une question doctrinale, ce n’était qu’une question d’opposition à une façon de voir les choses, mais simplement de vouloir les organiser différemment ». De toutes façon à moins d’une situation hors du commun, grave et mettant les autres volontairement en danger, ce genre de réaction ne devrait jamais avoir lieu.

Ce n’est pas cette réaction isolée qui peut nous éveiller à un contexte abusif, mais à tout un état d’esprit qui anime l’institution dans son ensemble. Loin de moi de vouloir ici blâmer ce responsable, car il se peut que ce ne soit qu’un acte isolé et que les démarches de pardon soient déjà réalisées à l’heure où je vous parle. Ceci dit, faut encore que cette démarche de pardon soit une réelle prise de conscience du dégât causé et non une façon, une fois de plus, abusive, pour se donner l’image du bon chrétien. Si c’est le cas, ce genre de situation ne tardera pas à récidiver.

La solution est d’ordre spirituelle, non pas spiritualisme, mais d’un spirituel bien concret, dans des lieux ou la parole et l’échange peut réellement circuler sans jugement de valeur, ni tabou. Créer des dispositifs de ce type est plus qu’une nécessité, mais il faut qu’un cadre clair et sain soit posé… mais ça ce sera pour une autre fois.

Terminons avec ceci, ne croyez pas que ce genre d’article soit réjouissant, je ne me fait aucune joie et je ne me prends surtout pas pour un héros, ni pour un défenseur des grandes causes, c’est même plutôt douloureux pour quelqu’un comme moi d’écrire ces choses. Douloureux parce que j’aime réellement l’Eglise, douloureux parce que je défendrai  jusqu’au bout ce qu’elle est spirituellement et théologiquement parlant au yeux de Dieu, douloureux parce qu’elle peut avoir en son sein des organes qui aux lieu de protéger, de libérer, de restaurer, de soutenir ses membres dans la dure réalité de la vie, les menace, les enferme, les rend plus malade qu’ils ne le sont en les rendant esclaves d’un système les éloignant de la réalité de la vie et de la réalité d’une véritable vie spirituelle.

Mais heureusement, je me réjouis et je me fortifie au travers de toutes ces rencontres qui me démontrent qu’aujourd’hui encore, il existe un bon nombre d’églises, de pasteurs, de responsables et principalement de membres qui sont prêts par amour de ceux qui sont victimes, à briser les silences pour assainir l’Eglise de ces fonctionnements abusifs et diaboliques.

Je vous laisse ces deux  citations que vous connaissez certainement et que l’on retrouve régulièrement dans la littérature mais qui raisonnent admirablement bien avec cet article.

« Le silence des pantoufles est plus dangereux que le bruit des bottes »

De Martin Niemöller (1892-1984), pasteur protestant arrêté en 1937 et envoyé au camp de concentration de Sachsenhausen, puis transféré en 1941 à Dachau dont il sortit en 1945…

«Le monde est dangereux à vivre non pas tant à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire.» Albert Einstein

La puissance abusive du silence n'est pas, quand volontairement  les gens n'en disent rien, mais quand il se sentent non autorisé d'en dire quelque chose.

Prenez soin de vous-même afin de mieux prendre soin des autres, c’est ainsi que l’on peut aimer son prochain comme soi-même… Ne vous inquiétez pas, ce n’est pas s’aimer d’un amour narcissique déplacé comme certains pourrez-vous en reprocher la pensée, mais un amour respectueux envers Dieu qui a créé les êtres humains que nous sommes.

Tonino

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P
Excellent !! Merci Tonino....
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