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Publié par Tonino D'Arcangelo

En phase d'écriture, mon prochain livre vous racontera quelques évènements marquants de mon histoire personnelle qui témoignent de la présence et de la révélation de Dieu dans ma vie. Dans l'attente de sa finalisation, je vous partage le premier jet du chapitre 4. Bonne lecture !

Seul face à la mort de mon ami

Depuis ma tendre enfance, mon espoir de réussir dans la vie n’avait qu’une seule orientation, réaliser une carrière de footballeur. Quoi de plus porteur pour un enfant que de vivre dans l’innocence et la naïveté de ses rêves. Ma nature rêveuse et créative m’avait permise de vivre sans me sentir responsable d’autre chose que d’aimer ma famille et de réaliser mon plus grand espoir.  

 

Même s’il faut croire en ses rêves, comme disent certains, il y a aussi une certaine réalité qui nous rattrape et nous rappelle que nous sommes dépendants d’un tas de facteurs environnants qui favorisent ou obstruent les possibilités d’atteindre nos désirs. De plus, l’histoire de nos vies change car, certaines circonstances vécues nous marquent à tout jamais et celles-ci ne nous laissent pas indifférent. 

 

C’est à l’âge de 19 ans que ma vie va prendre un premier grand tournant. Nous étions dans la cité occupé à discuter entre potes de l’organisation de notre soirée. « La Bulle »[1], de son surnom, nous avait invité à participer à une fête organisée au profit de son club de foot. Nous étions tous très excités, certains plus que d’autres, à l’idée de passer ensemble la soirée. Nous nous connaissions tous depuis longtemps et nous avions grandis socialement ensemble dans notre « petit paradis, notre cité ». Assis dans l’herbe, auprès des sapins, disparus aujourd’hui, alors que nous conversions, un de nos amis, « Rodolphe », vint nous rejoindre. Il semblait ne pas être bien, mais très vite, dans l’emballement généré par l’enthousiasme de certains, la question lui fût posée : 

-   Tu seras là à quelle heure ce soir, Rod ?

-   Je ne viens pas.

-   Pourquoi ? Lui avons-nous demandé.

-   Je n’ai pas trop envie !

Comme cela se passait très souvent, nous insistions en lui disant :

-   Allez Rod, fais-pas le « con » ! Viens, on va se marrer, pour une fois que l’on sera tous là.

 

La conversation se poursuivit un bon moment en se concluant par : « on verra tout à l’heure ! Ouais, peut-être que je viendrai ! »

 

Le soir venu, tous, nous y étions à cette fameuse soirée, Rodolphe y compris. D’autres de la cité étaient également présents. Alors que l’après-midi nous étions environ une dizaine à nous réjouir de passer la soirée ensemble, finalement, le soir venu, rejoins par d‘autres, nous étions dispersés dans la salle en différents petits groupes. La boisson coulait à flot dans le gosier de certains, d’autres se défoulaient sur la piste de danse, pendant que quelques-uns s’adonnaient à la drague. N’étant pas quelqu’un qui aimait particulièrement les soirées de ce genre, celle-ci ne pouvait que renforcer mon désintérêt personnel. Pourtant, le matin même, j’y croyais à cette belle soirée entre potes, je la voyais autrement. J’y étais allé pour faire comme les autres, pour essayer de me débarrasser quelque peu de cette réputation qui me collait à la peau : on me reprochait d’être trop sérieux car, je ne buvais jamais d’alcool, je ne fumais pas. Généralement, je ne sortais pas les weekends, je voulais être en forme pour les matchs qui se jouaient, à l’époque, soit le samedi après-midi, soit le dimanche matin. De plus, tout le monde dans la cité connaissait les limites et les principes éducationnelles parentaux avec lesquelles j’avais grandi. Si, d’un côté je pouvais provoquer une sorte de respect pour certains, j’étais aussi la risée de beaucoup d’autres qui ne manquaient pas de me le faire sentir lors des moments de conflits. Enfin, peu importe, je ne regrette rien ! Toute mon histoire vécue dans cette cité fait partie du terreau de la personne que je suis devenue aujourd’hui. 

 

La soirée se passa et je rentrais au petit matin. A peine endormi de quelques heures, j’entendis quelqu’un frapper chez-moi de façon pressante par le rythme et la lourdeur d’une main tapant sur la vitre de notre porte. Rapidement, je me levais, j’ouvris la fenêtre de la chambre de mes sœurs afin de voir qui frappait de la sorte. C’était « Bilis »[2], à peine la tête passée à la fenêtre, il me cria : 

  • Tonino, lèves-toi, viens, dépêches-toi, Rodolphe est mort.

 

Rodolphe était venu et reparti en moto ce soir-là. Il s’écrasa contre la façade d’une maison et trouva ainsi la mort. Ce fut pour moi un choc d’une grande violence. Nous étions passé en moins de vingt-quatre heures, d’une atmosphère de joie à une ambiance morbide. La mort était venue frapper ma conscience et ma naïveté. Moi qui vivais un peu comme-ci ces choses n’arrivaient qu’aux autres. Mais là, c’était bien mon ami, celui qui ne voulait pas venir à cette soirée et qui dans l’emballement et l’enthousiasme général changea d’avis. En changeant de choix, en prenant la décision de finalement venir, personne ne pouvait savoir, ni prédire, qu’il venait de prendre rendez-vous avec la mort. Cet évènement tragique reste un souvenir marquant et me rappelle sans cesse combien les imprévus de la vie peuvent être à la fois violents et traumatisants. Il m’évoque à nouveau combien les circonstances de la vie peuvent submerger les êtres fragiles et vulnérables que nous sommes et que nul n’est à l’abri de ce genre de circonstances. Ce mélange de culpabilité, de tristesse, de colère et de peur m’emportera dans une sorte d’angoisse profonde. Les paroles d’une chanson de Daniel Balavoine[3]raisonnaient sans cesse dans ma tête : 

 

Pourquoi je vis, pourquoi, je meurs?
Pourquoi je ris, pourquoi je pleure?
Voici le S.O.S
D'un terrien en détresse
J'ai jamais eu les pieds sur terre
J'aimerais mieux être un oiseau
J'suis mal dans ma peau

J'voudrais voir le monde à l'envers
Si jamais c'était plus beau
Plus beau vu d'en haut
D'en haut

 

J'ai toujours confondu la vie
Avec les bandes dessinées
J'ai comme des envies de métamorphoses
Je sens quelque chose
Qui m'attire, qui m'attire, qui m'attire vers le haut

 

Au grand loto de l'univers
J'ai pas tiré l'bon numéro
J'suis mal dans ma peau

J'ai pas envie d'être un robot
Métro boulot dodo

 

Pourquoi je vis, pourquoi je meurs?
Pourquoi je crie pourquoi je pleure?

 

Je crois capter des ondes
Venues d'un autre monde
J'ai jamais eu les pieds sur terre
J'aimerais mieux être un oiseau
J'suis mal dans ma peau

J'voudrais mieux voir le monde à l'envers
J'aimerais mieux être un oiseau
Dodo l'enfant, do

 

 

La mort de cet ami me plongera sérieusement dans une quête de sens : la raison de mon existence. 

 

Durant les jours qui suivirent, je m’enfermais régulièrement dans ma chambre pour pleurer.  Je me sentais esseulé, ébranlé par ce que je venais de vivre. Un soir, je remarquai sur l’étagère au bout de mon lit, une bible qui m’avait été offerte quelques années auparavant. Tout l’enseignement religieux reçu de ma mère et de l’église fréquentée dans mon jeune âge me revint. Dieu existe-t-il vraiment me dis-je ? Une partie de moi croyais en Dieu car ma mère m’avait parlé de lui. De plus, l’expérience de sa présence faites à deux reprises par le passé faisait que je présumais qu’il y avait peut-être quelqu’un là-haut, mais je n’avais pas encore la foi, en tous cas, pas celle qui déplace les montagnes aux allures insurmontables.

 

Ces rappels spirituels s’associant à mon état d’âme suscitèrent en moi un cri venant des profondeurs de l’angoisse. Ce cri de détresse, cet appel au secours était une prière à la fois provocante et pleine d’espérance : « Toi là-haut, dis-je, si tu existes vraiment, montre-moi que tu es là ! Pas besoin que ce soit un pasteur, que ce soit un membre de la communauté que fréquente ma mère qui vienne me casser les oreilles. Si tu existes, montre-toi, toi-même ! J’ai besoin de savoir… »

 

Mon espoir était que, s’il y avait un autre monde, peut-être que quelqu’un m’entendrait. Ce quelqu’un, cet Autre dont ma mère m’avait tant parlé, mais que je n’avais jamais perçu. Je savais de qui il s’agissait, mais je ne le connaissais qu’au travers de ce qu’elle m’en disait. En dehors des deux expériences particulières de mon enfance, dont à l’époque je ne savais qu’en penser, je ne l’avais jamais vraiment rencontré, ni vraiment cherché d’ailleurs. Mais, existait-il seulement, était-il une réalité ou était-ce une projection mentale ? Était-ce une illusion entretenue par un imaginaire collectif luttant contre des angoisses archaïques ? Après tout, ce Dieu, ma mère ne l’avait jamais vu !

 

Je vécus un moment extraordinaire. En un instant, une présence particulière envahit ma chambre, comme une sorte de courant électrique qui traversait mon corps tout entier, un flux frissonnant se déversait sur moi et en moi. Je ne sais combien de temps avait duré ce moment, mais je me souviens avoir dit : « Ne me quitte pas, reste avec moi ». Je me sentais entouré, consolé de ma tristesse. Mon sentiment de solitude profond face à la mort de mon ami, face à la mort elle-même, fut comblé par cette présence divine, tangible et affectueuse. Il était là, présent, un être ni de chair, ni d’os.

Dès lors, je compris que Dieu était réel et qu’il ne pouvait pas être vu avec les yeux du corps. Je saisis qu’il était d’une autre nature que la mienne et qu’il se révélait à qui se disposait à le rencontrer. Je compris que lui seul décidait quand et comment commence le début de sa révélation en l’être qui le cherche.

 

Cette expérience est gravée à tout jamais en moi. Ce que je vécus ce soir-là, ne m’a plus jamais quitté. C’est à ce moment-là que je crus véritablement en l’Éternel-Dieu qui se révéla à moi d’une manière particulière. Ce fut la seule et unique fois de cette manière avec autant d’intensité, mais plus que suffisante pour entrer dans une dimension foi. L’Éternel-Dieu me visita ce soir-là, il se révéla à mon être.  Plus tard, je comprendrai que, même si Dieu s’était révélé au travers d’une sensibilité que je ne connaissais pas jusque-là, il allait essentiellement se révéler à moi avec les yeux de l’esprit.

 

 

 

[1]« La Bulle » était le surnom d’un ami de la cité qui se prénommait en réalité Patrice. Si mes souvenirs sont justes, ce surnom lui avait était donné par son père. Il me semble que cela venait de ces qualités footballistiques. Patrice était un joueur rapide ayant une frappe puissante, pouvant marquer assez facilement des buts. Mettre un but était dans le langage de Florimond son père, mettre une bulle. 

[2]Bilis était le surnom donné à l’un des camarades de la cité qui se prénommé Didier. Je ne sais d’où venait ce surnom.

[3]Chanteur populaire français (1952-1986)

 

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