L’Apocalypse et ces interprétations multiples !

A partir d'une question posée par un internaute !

Cette question m'a été posée par un internaute : " Avec ce que nous vivons comme évènement aujourd'hui (COVID-19), beaucoup de chrétiens évangéliques relancent et partagent la question des interprétations du livre de l'Apocalypse. Le problème, c'est que l'on entend tout et son contraire ! Des propos dis avec sérieux et d'autres qui décrédibilisent complètement les écritures. Qu'en penses-tu ? Comment le vis-tu ? Comment le gères-tu ? "

Je ne savais pas que répondre dans l'immédiat à cette vaste question importante. Je finis par prendre un peu de temps et pour partager comme réponse, quelques éléments que je distingue et d'autres que j'ai médités pouvant servir de mini introduction au livre de l'Apocalypse.

Cette partie écrite se veut être plus complète que l'encouragement et la réflexion apportée dans la vidéo que vous trouverez en bas de cet article.

Un encouragement et une mise en garde !

Son importance et sa difficulté

Ce dernier livre du recueil sacré contient un nombre invraisemblable de richesses ! 

• Il prononce les derniers mots du nouveau testament.
• Il résume en une fresque grandiose « tout le contenu prophétique des enseignements de Jésus et des révélations apostoliques non seulement sur la fin des choses, mais aussi sur le nouveau commencement ».
• Bossuet de dire : « C’est une apothéose finale dans laquelle toutes les beautés de l’Écriture sont ramassées ».

La lecture et particulièrement son interprétation demande beaucoup de prudence.

• •  
• Livre le plus difficile et le plus « mystérieux ».
• Considéré par les exégètes modernes comme le livre le plus remarquable, mais aussi le plus énigmatique.
•  Il est le livre le plus controversé de toute la Parole. 
• C’est pour quoi Billy Graham dira : « Le plus mal compris et le plus mal interprété par plus de gens que n’importe quel autre livre ». 

Certains pensent qu’une compréhension totale et une interprétation parfaite de ce livre est une tâche impossible. 

Plein de symboles et d’allégories, sa véritable signification à l’intérieur même du livre est exprimée dans un langage si mystérieux, qu’on ne peut jamais être sûr d’avoir découvert la plénitude de son véritable sens par avance. 

• Les explications proposées sont aussi nombreuses et aussi divergentes que tous les savants qui ont essayé d’exposer ce livre. 

Risque : une dérive de l’interprétation

Poussés par notre désir de voir s’accomplir le final de la Grande Promesse, mais aussi par le besoin d’être rassurés devant les évènements menaçants et insécurisants de notre monde, le danger est de vouloir devancer la réalité à venir en interprétant celle présente comme étant un évènement précis annoncé dans les écritures. 

C’est le risque d’interpréter trop vite les évènements présents en voulant les relier à ce langage mystérieux. 

Avoir une attitude sage face à ce livre et rester crédible aux yeux du monde

L’attitude la plus sage, il me semble, c’est de rester attentif aux signes des temps, sans aucun doute, mais d’attendre paisiblement (avec la paix que donne le Christ au travers de notre foi) que les choses qui doivent arriver, arrivent.

Le livre de l’apocalypse donne des indications fondamentales pour la foi des chrétiens qui attendent l’accomplissement final de La Grande Promesse, donnant ainsi des éléments capitaux pour encourager à tenir bon dans la foi malgré les grandes perturbations qui s’annoncent pour notre planète.

Cependant, si nous en connaissons un bout sur le fond et les périodes du déroulement des choses à venir, nous n’en connaissons pas les configurations exactes dans tous ses détails et les moments précis.

Dès lors, faut-il pour autant ne pas chercher à interpréter ce livre et l’éviter ? Faut-il laisser cela aux spécialistes et exégètes contemporains ? 

Non ! Certainement pas !

La prudence à l’interprétation ne nous empêche pas d’adhérer et à rechercher une compréhension des mystères de ce livre.

Au contraire, ce livre nous fait lui-même cette invitation à entrer dans la bénédiction particulière qu’elle offre à ceux qui la liront et entendront (chercheront à comprendre) les mystères de ce livre: 

« Heureux celui qui donne lecture des paroles de cette prophétie et ceux qui les entendent, et qui obéissent

à ce qui est écrit dans ce livre, car le temps est proche. »

                                             Apocalypse 1.3

Selon ce refrain qui revient continuellement dans ce livre :

« Que celui qui a des oreilles écoute

ce que l’Esprit dit aux Églises. »

 Bien que compliqué et mystérieux, il doit être possible de comprendre ce que l’Esprit dit aux Églises dans cette dernière partie des Saintes Écritures.

Quand bien-même, il semblerait qu’il y ait plusieurs niveaux de compréhension, nous sommes avant tout invité à une écoute attentive avant même de chercher à comprendre et de pouvoir interpréter.

La prophétie biblique a un message qui traverse le temps, un peu à l’image d’un cailloux qui ricoche sur l’eau :

• Un message pour les communautés de l’époque à laquelle celle-ci fut prononcé.
• Un message pour les individus de tous les temps.
• Un message spécifique pour l’Église existant à une époque précise de l’histoire entre l’ascension du Christ et son retour. 

Comme diraient certains rabbins,  plus particulièrement encore pour cette portion des Écritures : « Je nous conseille avant tout de lire 7 fois attentivement ce livre et ensuite 7 fois le passage à étudier avant même de vouloir entrer dans la compréhension de celui-ci ».  

Son thème

 « C’est l’épopée de la lutte suprême entre Dieu et Satan, pour la possession de l’humanité, comme prix du combat ».

                                         Frédéric Godet 

C’est le couronnement de toute la bible entière, pas seulement du nouveau testament.

C’est le pendant du livre de la Genèse. Celui-ci qui nous fait entrevoir l’enfantement de notre univers et notre humanité actuelle alors que l’Apocalypse nous fait entrevoir le bout de sa crise d’où sortira les nouveaux cieux et la nouvelle terre habitée par une humanité nouvelle.

Le livre de l’apocalypse reste étranger, voire déplaisant à l’Église lorsque celle-ci n’envisage pas d’autres projections que celle de s’établir et de s’accommoder (se satisfaire) avec l’ici-bas comme domination actuelle. Par contre, il prend de la valeur inestimable pour celle-ci, lorsqu’elle s’accorde avec les Écritures qui entrevoit une destinée et un aboutissement autre que sa demeure ici-bas dans l’état spirituel actuel des choses.

L’histoire a démontré que c’est souvent aux temps où l’Église vivait la persécution que ce livre a été étudié avec beaucoup d’assiduité et ainsi apporté réconfort et consolation aux chrétiens malmenés par les circonstances accablantes.   

Sa forme et sa structure

La forme déroute au premier abord, mais une fois que l’on s’implique dans la compréhension de sa structure, on y découvre une organisation contrôlée et fascinante sous la plume de Jean.

Il prend soin de ne rien laisser au hasard et d’en partager les moindres détails. 

Il est impératif d’entrer dans ce livre par le commencement pour pouvoir y comprendre son déroulement. On ne peut pas imaginer, comme cela pourrait se faire dans d’autres livres de la bible, prendre un passage au cœur de celui-ci, comme porte d’entrée et penser ainsi saisir notre foi et notre intelligence à lecture de ce passage isolé du reste du livre. Cela n’est peut-être pas impossible, mais particulièrement très compliqué pour quelqu’un non imprégné des Écritures et de la culture qui l’accompagne.

Jean, numérote ou regroupe ses paragraphes, il note avec précision les changements de scène, donne des titres à des développements plus importants. Il travaille au moyen des parallélisme ou des oppositions stylistiques. Il rend attentif au fait qu’une figure ou une voix se rencontre pour la deuxième fois, ou bien il anticipe les évènements antérieurs.

La structure du livre n’est pas évidente mais influe particulièrement toute l’interprétation.

Toute interprétation ou tentative d’interprétation des révélations reçue du Christ que Jean nous expose dans son livre, toute explication qui ne participe pas sérieusement à la discussion sur la structure de ce livre, ne peut être prise au sérieux.

La particularité de la structure du livre de l’apocalypse est fidèle à l’esprit de Jean tel que nous le découvrons dans son évangile. Jean ne développe pas sa pensée sur une progression linéaire mais plutôt une progression méditative.

Un peu comme si, il travaillait en cherchant à faire le tour de la question centrale à laquelle il s’intéresse. Un peu comme si, il tournait en cercle autour de la question mais en réalisant une réflexion de plus en plus large et de plus en plus profonde.

Ou pour utiliser une autre image, comme si Jean commençait par photographier son sujet de façon panoramique pour ensuite photographier les détails de ce qui doit attirer notre attention. Comme un photographe pourrait le faire, il commence par photographier un panorama avec une vue globale et générale et zoomera progressivement pour nous permettre de saisir des détails importants à partir de son ensemble.

C’est pourquoi depuis le 3^ème siècle beaucoup de commentateurs sérieux proposent de voir en cette œuvre, une structure cyclique où les mêmes composantes de l’histoire sont vues sous des aspects différents.

Un exemple concret, alors que le livre de l’apocalypse comprend 22 chapitres alors que Jean parle déjà de la fin dans le chapitre 5, 6 et 7 et rejoint le chapitre 21 et 22.

S’il y a une chronologie, elle ne peut être découverte dans un écrit linéaire allant du chapitre premier au chapitre 22, sinon nous devrions accepter plusieurs retours du Christ, etc.

Si les premiers lecteurs de ce livre avaient l’avantage de connaître l’apôtre Jean et sa manière de s’exprimer, ce qui favorisait une compréhension plus proche des circonstances locales et générales permettant de déchiffrer certains symboles. De notre côté, nous lecteurs du XXIème siècle, nous bénéficions des recherches historiques récentes de l’histoire nous permettant  de mieux connaitre d’une part, le contexte littéraire dans lequel ils ont évolués et d’autres part, d’une somme innombrable de réflexions ayant traversé les générations de ces étudiants assidus de la bible qui se sont penchés sur ce livre.

Le mot "Apocalypse" signifie révélation, c’est-à-dire, le contraire de ce que l’on veut lui faire dire (caché, obscur, incompréhensible). Si c’est une révélation son sens peut être trouvé.

Quelques principes pour étudier ce livre sérieusement.

Le théologiens H.L Féret pose trois règles :

1. Lire en fonction du contexte historique de Jean (du moins dans un premier temps, pour savoir ce que les lecteurs de l’époque ont pu comprendre).
2. Aller du clair à l’obscur, du connu au mystérieux.
3. Comparer aux autres prophéties bibliques.

Le Père Lavergne indique neuf principes généraux pour nous guider dans notre interprétation de l’Apocalypse :

1. Ne pas prendre à la lettre les expressions hyperboliques.¹
2. Chaque morceau doit être envisagé comme un tout : il serait vain de chercher toujours sous chaque détail une intention prophétique distincte.
3. L’apôtre revient souvent sous les mêmes choses, les expliquant de manière différente et paraissant traiter d’autres sujets quand, tout en variant ses explications, il abonde dans le même sens.
4. Une succession de périodes est le plus souvent une succession de tableaux : les évènements ainsi envisagés peuvent être alternatifs, voire simultanés.
5. Par contre, des symboles simultanés comme les têtes de la Bête, représentent des monarques qui se succèdent. Le Voyant fait abstraction de la durée : il néglige la catégorie du temps.
6. Les auteurs apocalyptiques aiment à signaler d’avance une description, ou à récapituler une vision antérieure : ces répétitions soulignent l’importance de certains évènements.
7. Les nombres d’années ont une valeur symbolique par eux-mêmes : d’une vision à l’autre, l’auteur ne s’occupe pas de leurs rapports mutuels.
8. Saint Jean aime faire glisser un même symbole d’une réalité sur une réalité analogue. A l’inverse, il lui arrive de faire glisser une même réalité sous deux symboles distincts. Ainsi les têtes de la Bête symbolisent les collines de Rome, puis les empereurs romains. Le Christ apparait presque simultanément sous la forme d’un Fils d’homme, d’un Agneau, d’un Cavalier : c’est nous dire qu’il est à la fois Révélateur, Rédempteur et le Triomphateur.
9. Le symbolisme étagé est peut-être ce qui nous déconcerte le plus. Un symbole vient à être symbolisé par un autre symbole. L’Empire Romain est symbolisé par la Bête, et celle-ci par l’une de ses têtes…

Le théologien Alfred Kuen nous rappelle :

Nous devons nous souvenir des règles générales d’interprétation biblique, valables pour n’importe quel passage de l’Écriture : la loi du contexte, interpréter la Bible par la Bible, les symboles du NT par leurs antécédents dans l’AT, tenir compte du genre littéraire de l’écrit (ici apocalyptique), insérer l’interprétation des détails dans le thème et le but général du livre entier, en fonction de la structure.

Parmis les nombreux systèmes d’interprétations qui ont paru au cours des siècle, les 5 suivants restent fort prisés actuellement :

1. L’interprétation prétériste.
2. L’interprétation historiciste.
3. L’interprétation futuriste ou « eschatologique ».
4. L’interprétation idéaliste ou spiritualiste.
5. L’interprétation historique non-chronologique.

Pour en savoir plus et approfondir ces différents points, je vous conseille, entre autre, "l’Encyclopédie des difficultés bibliques" d’Alfred Kuen aux éditions Emmaüs. 

C’est également dans cette encyclopédie qu’a été tiré toutes les sources documentaires venant étayer mes propos dans cet article.  

1. Hyperbole : Figure de style utilisant l'exagération afin de marquer les esprits. 

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