La raison au service de l'inspiration

Alors que l'assemblée priait pour recevoir des messages inspirés par Dieu, je me souviens de cette conversation entre deux dames. Elles discutaient sur le fait qu'une personne s'était mise à prier tout en lisant un texte écrit par avance. Ces deux personnes ne pouvaient concevoir que quelqu'un puisse se dire être inspiré par l'Esprit tout en lisant une prière préparée durant les jours précédents. Un peu comme-ci, l'inspiration ne pouvait être qu'une sorte de message spontané, ressenti au moment même et mécaniquement dicté par l'Esprit de Dieu à notre esprit.

En me demandant mon avis, je pense qu'elles furent fortement surprises. Je commençais par approuver le fait qu'effectivement Dieu pouvait par son Esprit nous révéler au moment même des paroles de circonstances pour la situation présente et que cette pensée était d'ailleurs enseignée dans la bible. Continuant de partager mon avis, puisqu'elles me l'avaient demandé, je leur dis : " Vous savez, ce qui est écrit par avance et qui a prit le temps de murir peut être tout autant inspiré et inspirant que ce qui se dit spontanément, même dans un moment de prière". Je vis les yeux de l'une s'agrandir de manière telle que je ne pouvais pas ne pas me rendre compte, je venais de créer un cataclysme dans ses pensées. J'avais suffisamment regardé les " Tex Avery " dans mon enfance pour discerner qu'il se passait et se pensait quelque chose en cette personne qui ne pouvait sortir et s'exprimer de sa bouche (rires...). Dès lors je dû continuer et aller jusqu'au bout de mon explication. Ne pensez-vous pas que les psaumes sont inspirés ? Oooh, bien sûr que si me dit-elle. Pensez-vous que lorsque, désirant louer Dieu, nous lisons ou récitons spontanément un passage de ces psaumes, nous ne sommes pas inspirés et que ces textes perdent toutes leur exhortation ? Alors pourquoi un texte écrit dans la semaine serait-il moins inspiré que ce qui est dit spontanément dans un moment du culte ?

Cette petite histoire illustre et introduit la question suivante : L'inspiration ne serait-elle uniquement qu'une sorte d'intuition, de message dicté à l'instant présent et écartant tout travail de la raison, de la pensée, de la réflexion ?

Nous qui considérons les évangiles comme des livres inspirés par Dieu, relisons comment Luc introduit le récit de son évangile :

" Plusieurs personnes ont entrepris de rédiger l’histoire des événements qui se sont déroulés parmi nous, d’après les rapports des témoins qui les ont vus de leurs propres yeux depuis le commencement (du ministère de Jésus), qui ont obéi à la parole de Dieu et l’ont répandue. J’ai donc décidé, cher ami de Dieu, de faire, à mon tour, une enquête exacte sur tout ce qui s’est passé. J’ai recueilli des informations précises sur tous les événements depuis leur origine, je les ai vérifiés soigneusement et je vais te les exposer par écrit d’une manière suivie. Ainsi, tu pourras constater que les enseignements qui t’ont été donnés de vive voix sont vrais et entièrement dignes de confiance."

Luc 1. 1-5

Tant de choses se disaient et s'écrivaient autour des évènements qui concernaient Jésus, qu'un besoin se fit ressentir. Il était nécessaire de réaliser un travail de raison. La raison est, ici, cette activité intellectuelle qui donne à l'homme la capacité d'analyser, de vérifier, de chercher, de penser afin d'établir et de trouver à la fois des preuves, des signes prenant appui sur une réalité vécue par des témoins oculaires. C'était là l'inspiration première de Luc, réaliser un travail colossal au service de la fiabilité des messages qui véhiculaient dans les églises et particulièrement là où se trouvait Théophile.

Pour accomplir cette inspiration, Luc se choisit donc une méthode très rationnelle et très concrète, celle d'enquêter auprès des premières personnes concernées. Il part à la recherche de la véracité de ce qui se partage et se dit. Ici, le résultat de son inspiration ne lui est pas dicté directement dans des instants de prières et de louanges, ni par une voix qui serait audible à son esprit, mais dans un travail de recherche et de réflexion.

Rappelons ici qu'au moment où se réalise la rédaction par Luc (vers l'an 60), le Saint-Esprit était bien descendu, répandu et bien en action depuis pas mal de temps. Nous savons aussi que Luc utilisera des documents supplémentaires à ceux déjà utilisés par Matthieu et Marc pour la composition de leur évangile. Nous pouvons dès lors écarter tout enseignement qui viendrait à nous faire croire que l'inspiration par l'Esprit est dénuée de raison et de toute démarche réflexive. Si c'était le cas, à quoi bon étudier les écritures et pourquoi alors Dieu aurait-il susciter des docteurs. Ceux qui rejettent catégoriquement toutes approches théologiques sont tout aussi déviants que ceux qui rejettent toutes manifestations surnaturelles de l'Esprit. S'il est vrai que nous marchons tous en boitant car, actuellement, la conséquence du péché reste un handicap spirituel sur la terre, ces deux extrêmes nous amputes carrément d'un membre utile à notre marche spirituelle.

Aujourd'hui, nous ne sommes pas plus à l'abris qu'il y a plus deux milles ans. Il y a encore plus de choses qui se disent et se font au nom du Christ et de Dieu. Ce qui demande toujours un travail d'analyse et de réflexions inspirées par une INTELLIGENCE RENOUVELEE. Pour penser Dieu et se penser, nous avons besoin de s'associer avec d'autres penseurs sans cesse à la recherche des vérités et des réalités de Dieu. Je le dis assez souvent, si la bible fait fonction d'autorité dans la recherche de la pensée de Dieu, les interprétations que l'on en fait et nos compréhensions ne font pas fonction d'autorité. Ce n'est pas la bible en tant qu'écriture matériel qui révèle Dieu, car Dieu ne peut être contenu dans des textes, mais c'est au travers de ces textes témoignant de lui, que Dieu vient se révéler lui-même à nous. Raison et révélation sont des corollaires ne pouvant se dispenser l'un de l'autre si nous voulons cheminer dans les voies de l'Eternel-Dieu.

S'il est vrai que, par l'intervention de l'Esprit du Christ dans nos vies nous pouvons vivre certaines expériences particulières dépassant la raison humaine, cela est certains, elle n'est cependant ni l'unique, ni la dominance dans les écritures. Le Logos (la Parole-Raison), le Verbe, qu'est le Christ, selon l'évangile de Jean, fait sans cesse appel à l'enseignement afin de grandir dans le discernement spirituel. Qui dit enseignement dit raison. La foi n'est pas la raison, mais elle n'est pas pour autant sans raison.

Dans l'ancien testament, nous voyons qu'après avoir passé un temps d'intimité avec Dieu, certains reçurent l'ordre d'écrire. Les inspirations étaient révélées, écrites et bien intégrées dans la pensée du prophète avant d'être annoncées au peuple. De plus, nous ne pouvons négliger le fait que toutes prophéties étaient en lien avec la Loi, il y avait donc toujours la Loi écrite permettant de se référer, d'objectiver à partir d'une référence, d'un cadre. La raison en tant que capacité de penser, de réfléchir et de s'en référer à autre chose qu'à soi même étaient un devoir de responsabilité spirituelle et morale vis à vis de Dieu et de leurs semblables.

Bien souvent, nous voyons ces portes-parole de Dieu demander une confirmation des instructions et des pensées reçues. Ce qui nous démontre qu'ils avaient eux-même besoin de discerner ci ce qu'ils allaient annoncer ou entreprendre étaient bien inspiré par Dieu. Et pourtant, ils étaient prophètes de l'Eternel. Malgré cela, ils devaient se préserver d'un imaginaire déviant de la volonté de Dieu se trouvant en filigrane de la Loi.

Pour terminer, je reviens à la question de l'inspiration introduite par ces deux gentilles dames en début d'article. Il me semble que nous pouvons penser que l'inspiration n'est pas une forme d'expression précise et unique mais bien l'expression précise de Dieu qui peut se manifester sous différentes formes.

Si Dieu est la véritable source d'inspiration, que notre raison soit au service de celle-ci. Nous éviterons peut-être ainsi d'être au service des aspirations personnelle nous déviant de l'inspiration réelle de Dieu.

Tonino D'Arcangelo

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